Juge, droit et censure : l'autre fondement contre le jugement ordonnant la censure sur le web

Ceci est une brève analyse purement juridique, l’objectif étant de clarifier un certain fondement légal pouvant contredire le jugement en référé de premier ressort émanant du tribunal de première instance de Tunis (TPI Tunis) ordonnant à l’ATI (Agence Tunisienne de l’Internet) de censurer les sites pornographiques.

Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) Adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par  l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966

" Article 19 
1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.
2. Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
3. L'exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires :
a) Au respect des droits ou de la réputation d'autrui;
b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques."

Texte intégral du Pacte : http://ostez.blogspot.com/2011/05/pacte-international-relatif-aux-droits.html .

Pour la bonne règle, il est à rappeler que la République Tunisienne est membre signataire de ce Pacte qui n’est rien d’autre qu’une convention internationale ayant une valeur légale supérieure aux lois internes de la Tunisie. La ratification de ce Pacte date du 18 mars 1969 : (http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=IV-4&chapter=4&lang=fr )

  Tunisie :                 Signature          Adhésion(a), Succession(d), Ratification
                                 30 avr 1968      18 mars 1969

Sur la base du paragraphe premier de cet article 19, le droit de rechercher des informations et des idées librement est énoncé comme étant le principe.

L’exception serait l’interdiction. Cette exception est toutefois entourée de conditions strictes selon le paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte  à savoir :
-          Une loi spécifique devrait intervenir expressément pour délimiter le champ exceptionnel de l’interdiction.
-          Des raisons valables pour motiver l’interdiction ou la restriction.

A notre connaissance, il n’y a pas de loi  instaurant une telle interdiction ou restriction  et qui soit antérieure au jugement du TPI de Tunis ordonnant la censure.

Ainsi, les conditions d’application de cet exceptionnel droit de restriction légale reconnu aux Etats signataires du Pacte ne sont pas remplies en droit tunisien, le principe demeure donc la permission et le libre accès aux contenus des réseaux.

PS : Le gouvernement tunisien de l’après 14 janvier 2011 est temporaire, personne ne peut discuter un tel statut juridique, le décret d’organisation provisoire des pouvoirs publics en est témoin : ( http://ostez.blogspot.com/2011/03/14-2011-23-2011.html ).

Le président de la République se doit au terme du préambule de ce décret de sauvegarder la pérennité de l’Etat et de sauvegarder et exécuter les conventions  internationales qui, juridiquement, ne sont affectées en rien par la suspension de la constitution Tunisienne du 1er juin 1959.
 (وحيث أن رئيس الجمهورية هو الضامن لاستقلال الوطن وسلامة ترابه ولاحترام القانون وتنفيذ المعاهدات، وهو يسهر على السير العادي للسلط العمومية ويضمن استمرار الدولة،(

L’Etat tunisien quant à lui est bel et bien permanent, il est tenu d’honorer ses engagements conventionnels et contractuels envers la communauté internationale. La personnalité juridique de l’Etat Tunisien demeure intacte et demeure avec elle son obligation d’observer et d’honorer les conventions internationales auxquelles il est parti et notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966).

Ce pacte est légalement considéré comme un texte juridique Tunisien, à valeur supra-légale, applicable sur le territoire tunisien tant  que la Tunisie est encore membre signataire dudit Pacte.

La Tunisie vient  même de confirmer son attachement à ce Pacte en signant et ratifiant le protocole facultatif additionnel  de ce Pacte en date du 14 MAI 2011 en vertu du décret n°551-2011 publié au journal officiel n°36 du 20 mai 2011 p. 725.  (consultable ici : http://www.iort.gov.tn/WD120AWP/WD120Awp.exe/CTX_62400-4-GuoYsRZeYK/RechercheJORT/SYNC_1438661796 )


Alors on a à choisir entre légalité/Etat de droit … ou l’autre alternative. 

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